Digital : les champions de la satisfaction client

      Marie-Sophie Ramspacher | 

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En grande distribution, les réclamations de clients sont majoritairement déclenchées par un problème « humain » – c’est-à-dire un service mal rendu (livraison, service après-vente…). – shutterstock.com

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Les meilleurs élèves de la relation client en 2014 (Source : HCG) – Les Echos

Le 24e palmarès réalisé par le cabinet HCG révèle que, si les entreprises soignent désormais leur relation client sur Facebook, le digital ne les convainc pas totalement.
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Chaque année, des sociétés reléguées dans les profondeurs du classement se réveillent. « Brusquement, elles réalisent qu’il existe un écart de 27 % entre la croissance des marques ayant les meilleurs niveaux de recommandation et les pires », témoigne Fabrice Lanoë, PDG de The Human Consulting Group (HCG). Cette année, parmi les bons élèves de son palmarès de la relation client, Bayer, Sodexo, Esso, BHV, Europ Assistance, Foncia, Groupama, Caisse d’Epargne, Randstad, GDF Suez ou encore Carrefour. Tous se sont laissé persuader de l’impact du (mauvais) bouche-à-oreille sur leur business…

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 La crise est passée par là

Exemple, la grande distribution. « Les enseignes commencent à réaliser que la guerre commerciale ne suffit plus comme argument. Face à des produits de qualité et de prix identiques, c’est bien sur l’amélioration du service que la fidélisation s’opère », décode l’associé fondateur de HCG. Selon ce cabinet, sur 100 réclamations déposées, 95 sont déclenchées par un problème « humain » – c’est-à-dire un service mal rendu (livraison, service après-vente…) -, alors même que le produit donne satisfaction. Récemment, Carrefour a ainsi réinstauré des points d’accueil à l’entrée des hypermarchés pour alimenter son « expérience client ». C’est sans nul doute le raisonnement suivi par le secteur de l’immobilier, qui opère une remontée fulgurante – de la 8e à la 2e place du palmarès HCG – juste derrière le vainqueur du podium, le secteur cosmétiques-hygiène-beauté. 85 % des e-mails envoyés aux acteurs de l’immobilier ont obtenu une réponse, un score supérieur à celui du luxe, qui pourtant excelle en la matière. « La crise est passée par là. Les projets immobiliers étant plus longs à finaliser, il faut travailler son image auprès des clients », éclaire Fabrice Lanoë.

Un abus des services vocaux

Sans surprise, en revanche, le classement des opérateurs télécoms, bons derniers pour la sixième année consécutive. Un comble pour des spécialistes des télécommunications. Conscients des insatisfactions, Orange et SFR ont pourtant reconsidéré leur politique. « Poussés à la fois par l’instabilité politique et les problèmes de compréhension, ils ont quitté l’Egypte et l’île Maurice, relocalisé les centres d’appels à proximité de la France et soigné la formation des téléconseillers », détaille Fabrice Lanoë. Orange d’ailleurs remonte de la 160e à 82e place du classement.

Les services consommateurs de la téléphonie mobile ont en revanche tendance à abuser des services vocaux. « Le robot génère un effet déceptif et beaucoup raccrochent, autant par impatience que par exaspération d’être ainsi considérés. Sans compter que ces numéros sont surtaxés », souligne Fabrice Lanoë. Les opérateurs ne sont pas les seuls à tenter ce type d’économies : 46 % des services clients utilisent désormais un serveur vocal.

Pour réclamer et obtenir un geste commercial, mieux vaut tenter l’e-mail. Selon HCG, les trois quarts des entreprises y répondent, à condition toutefois de trouver la bonne adresse : 53 % des hôtes ou hôtesses refusent de communiquer le courriel de leur entreprise et les services clients ne montrent guère l’exemple – 71 % taisent volontairement le nom de leur responsable… Par courrier, c’est pire : 44 % des entreprises les ignorent.

L’avenir repose sur les applis

Bref, c’est bien en ligne qu’elles se révèlent les plus performantes : pour celles qui ont ouvert une page Facebook – Twitter reste marginal -, 83 % répondent aux posts selon HCG. Air France, Voyages.sncf ou encore Bouygues Telecom ont fait des réseaux sociaux leur premier outil de communication avec les clients. Et, en cas de crise, la stratégie digitale se montre efficace : lors de la panne d’Orange en 2012, sa communauté Facebook a réussi à inverser la tendance en défendant la marque.

Reste que le digital tarde à convaincre. Les enseignes du luxe, qui accordent beaucoup de soin aux interactions clients, répondent inégalement aux posts, jugés impersonnels et distanciés. « Les réseaux sociaux ne permettent pas d’entretenir des relations personnalisées avec les clients fidèles. C’est un moyen de communication massif, qui donne accès à des contenus élaborés pour un grand nombre d’abonnés, dont la majorité ne sont pas acheteurs », confirme Bertrand Semaille, associé d’Eleven. « La difficulté pour le luxe est de réinventer cette relation, qui doit être nourrie avant le passage en boutique, pendant, mais aussi après. Y compris sur Amazon. Les moments d’achats sont désormais multiples. La théorie du client perdu car sorti sans achat est démodée, dépassée », étaie ce spécialiste de la relation client digitale, qui estime que l’avenir repose sur les applis qui identifient le client et devancent ses désirs« Les sites Web, aussi bluffants soient-ils, ne permettent pas cette personnalisation et cette exclusivité. »

La relation numérique semble en revanche bien calibrée dans l’e-commerce : selon le dernier baromètre Ipsos Trusteam, 82 % des Français se disent satisfaits d’Amazon, e-Bay et Zalando, qui ont développé une intimité avec le client à travers une foule de services (moteurs de recommandation, personnalisation, visualisation 3D, prêts, offres d’occasions, échanges).

Le mépris de la réclamation

La note générale de la relation client – évaluée à 12,26 pour 2015 -, pourtant, ne s’améliore pas. Stable depuis 2009, elle s’affiche même en baisse par rapport à 2014. « La crise n’est pas favorable à l’intégration du service client dans le « business model ». En cherchant à serrer les coûts, les entreprises sacrifient les investissements », regrette Fabrice Lanoë. Pis, nombre d’entreprises persistent à négliger les informations contenues dans la réclamation, « alors qu’un client mécontent produit à lui seul un audit gratuit, riche de données sur ses attentes ».

Pourtant, toujours selon HCG, 40 % des Français estiment que les services clients ne tiennent pas compte de leurs suggestions, un taux qui s’élève à 52 % si l’on considère les posts. Cet automne, Laurent Fabius, le chef de la diplomatie, en charge du Commerce extérieur et du Tourisme, a lui-même rappelé aux entreprises leur devoir en matière d’accueil, inquiet de l’insatisfaction des Chinois. « En France, seuls les boulangers et les pâtissiers ont la réputation de bien accueillir et servir. A contrario, les grandes entreprises, qui disposent de davantage de ressources, ont une image déplorable. Il subsiste un problème », conclut Fabrice Lanoë.