Les modes de management défaillants pèsent sur la qualité de la relation client

Par Marie-Sophie Ramspacher

Selon le Palmarès 2014 de HCG, la relation client reste largement perfectible en France. Les sociétés préfèrent investir dans de nouveaux clients plutôt que de gérer les existants.

HCG CONSULTING GROUP

 

D’année en année, l’étude réalisée par The Human Consulting Group (HCG) élargit son périmètre d’investigation. En 2014, deux secteurs font leur entrée dans ce classement de la relation client : le soutien scolaire et les métiers de l’accueil. « Dans la mesure où la gestion de la relation client est fréquemment sous-traitée, il était légitime d’inclure les acteurs en charge de cette mission », expose Fabrice Lanoé, pdg de HCG. Et surprise, ces experts censés montrer l’exemple ne sont pas les mieux notés : Phone Régie se classe 77e, Charlestown 192e sur 200… et Teleperformance 179e, avec des résultats inégaux : leurs services clients s’avèrent ultra-disponibles mais ils ne répondent pas aux… courriers.

UN CANAL PRIVILEGIE

La relation client ne s’améliore guère : la note moyenne reste étale à 12,85 en 2014 contre… 12,81 en 2009. Seule la note générale de l’accueil du service clients s’affiche en hausse, à 10,50 contre 6,58 en 2009. Dans le détail, quelques chiffres laissent pantois : 12,5 % des standards sont difficilement joignables et 42 % des services clients consommateurs sont carrément aux abonnés absents suivant les heures. Sur Facebook en revanche, tous soignent leur réputation : 86 % des entreprises répondent aux commentaires postés sur leur mur, conscientes de sa fonction de caisse de résonance, au détriment des autres canaux. Fabrice Lanoé s’en étonne : « Alors que le coût d’acquisition d’un nouveau client reste supérieur à celui de sa gestion, certaines entreprises préfèrent dépenser sans compter pour en gagner de nouveaux au mépris des existants ».

LA TELEPHONIE, L’EXEMPLE à NE PAS SUIVRE

La photographie par secteur montre que les opérateurs de téléphonie mobile (Orange, Bouygues Telecom, Numericable, Free), embarqués dans une guerre sans merci sur le plan des tarifs, du marketing et de la communication, restent pour la cinquième année consécutive les cancres du classement. « Sans compter que le recours à des centres d’appels coupés du siège physiquement et hiérarchiquement aggrave cette gestion clients erratique car insuffisamment cadrée », analyse Fabrice Lanoé.

EQUIPES EN SOUS-EFFECTIF

Ce manque de cadrage est général : 19,9 % des services clients refusent de communiquer leur courriel et… 59 % des sondés rechignent à donner le nom du responsable du service clients-consommateurs, le B.A.-BA de la relation client. « Cette stratégie de dissuasion est, dans la majeure partie des cas, volontaire. L’entreprise sait qu’elle n’est pas dimensionnée pour répondre à des centaines de mails… 42 % des lettres de réclamations finissent au panier », éclaire Fabrice Lanoé.

MANQUE D’ENCADREMENT

Cette relation client vacillante révèle en réalité les failles du management en place et trahit le malaise interne (pression exercée sur les équipes, désengagement, absence de proccess, etc.). « Pendant des années, Cetelem, Sofinco, Boulanger faisaient partie des meilleurs élèves en la matière. Aujourd’hui, toutes ces sociétés ont décroché, la première a subi une mutation à marche forcée, les deux autres ont été restructurées, les équipes sont déstabilisées, et cela rejaillit immédiatement à l’extérieur faute d’encadrement attentif »,analyse Fabrice Lanoé. « C’est le principe de la symétrie des attentions, rappelle Jean-Jacques Gressier, PDG de l’Académie du Service, la qualité du management produit la qualité du service. Une bonne relation entre l’entreprise et ses collaborateurs génère en miroir une belle relation entre celle-ci et les clients ».

Ce raisonnement permet aussi d’interpréter les bons résultats obtenus cette année par le secteur de la restauration et les constructeurs automobiles, propulsés par HCG en tête du classement sectoriel, au côté des cosmétiques et du luxe : animé par le besoin de reconquérir le public, le management a reconsidéré son approche globale de la relation client (lire le cas BMW).

DISCOURS DECALES

Il était temps, car échouer à répondre aux attentes des consommateurs entraîne une sanction immédiate : 54 % des Français auraient ainsi changé de fournisseur en 2013 en raison d’un service client jugé insuffisant, selon l’étude « Accenture Global Consumer Survey », pointant parmi les secteurs les plus impactés… la téléphonie mobile, la grande distribution et la banque. La facture – c’est-à-dire la valeur détruite pour certains et transférée à d’autres – a été chiffrée à 118 milliards d’euros pour l’Hexagone. « Le décalage entre la promesse d’une marque et la réalité est de plus en plus visible », observe Fabrice Marque, responsable de l’activité service client d’Accenture France Benelux. « Les entreprises doivent entendre que la relation clients est une composante du service et non un SAV ».

Dernier enseignement, l’efficacité de la stratégie multicanale : « Ceux qui ont déployé des processus cohérents comme LCL ou Mercedes se hissent en haut du classement. Après Facebook, l’ajout demain de Twitter à l’arsenal va enfin permettre de servir au mieux la relation client, d’autant plus avec la jeune génération qui pratique de façon innée les réseaux sociaux », prophétise Fabrice Lanoé. Le destin tragique de l’enseigne Virgin, qui n’avait placé ni le numérique ni la relation client au coeur de sa stratégie, est à méditer.

 

Source: Les Echos